Depuis les années 2000, la publicité sur Internet a évolué à une vitesse folle. On peut grosso modo la raconter en grandes étapes, avec à chaque fois : nouvelles techno, nouveaux formats… et nouvelles manières de suivre l’internaute.


1. Début des années 2000 : bannières et premier search

1.1. L’ère des bannières (display “à l’ancienne”)

Autour de 2000–2003, la pub en ligne, c’est surtout :

  • Bannières graphiques en haut ou sur les côtés des sites (formats 468×60, skyscrapers, etc.)
  • Achat au CPM (coût pour mille impressions) : on paye pour être vu, pas forcément pour être cliqué
  • Peu de ciblage : on achète des espaces sur un site média comme on achèterait une page dans un magazine

C’est encore une logique très proche de la pub traditionnelle : on “s’affiche” devant un public large, sans grande finesse.

1.2. L’explosion du search avec Google Ads (ex-AdWords)

Milieu des années 2000 : Google transforme le jeu avec la pub liée aux moteurs de recherche.

  • Les annonces sont textuelles, s’affichent au-dessus ou à côté des résultats
  • On enchérit sur des mots-clés (ex. “hotel paris pas cher”)
  • On paye au CPC (coût par clic) et non plus juste à l’affichage
  • Ciblage puissant : l’internaute voit une annonce au moment précis où il cherche quelque chose

C’est la naissance du search marketing moderne : on ne pousse plus un message à tout le monde, on répond à une intention.


2. Milieu des années 2000 : contextualisation et premiers ciblages fins

2.1. La pub contextuelle (AdSense & co.)

Google lance aussi des solutions pour afficher des annonces sur des sites partenaires (blogs, médias, forums) en analysant le contenu de la page.

  • Si la page parle de voyages, les annonces parleront aussi de voyages
  • Les éditeurs monétisent leur trafic sans gérer la relation avec les annonceurs
  • Les petits sites peuvent enfin toucher des revenus publicitaires

Le ciblage n’est plus seulement “par site”, mais aussi par thématique.

2.2. Premiers ciblages par centres d’intérêt

Parallèlement, les plateformes commencent à suivre la navigation via des cookies :

  • On repère que vous consultez souvent des pages sur le sport, les voitures, la mode…
  • On peut alors vous classer dans des segments d’intérêt (“amateur de sport”, “intéressé par les voyages”, etc.)
  • La publicité devient déjà moins “massive” et un peu plus “personnalisée”

On est encore loin du retargeting agressif, mais la logique de profilage est lancée.


3. Années 2010 : réseaux sociaux, retargeting et programmatique

3.1. L’arrivée massive des réseaux sociaux

Avec Facebook, puis Instagram, LinkedIn, Twitter, etc., la donne change encore :

  • Les plateformes connaissent l’âge, le genre, la localisation, les centres d’intérêt, parfois la situation familiale ou professionnelle
  • Les formats pub se fondent dans le flux : sponsored posts, carrousels, stories sponsorisées
  • Ciblages très précis : par intérêts, comportements, audiences similaires (“lookalike”), etc.

On n’est plus seulement sur “je cible un mot-clé”, mais “je cible un type de personne”.

3.2. Le retargeting (ou remarketing)

C’est le moment où tout le monde se rend compte que :

Après avoir consulté une paire de chaussures, on la voit partout.

Principe :

  • Vous visitez un site e-commerce → un cookie vous identifie comme visiteur
  • Vous partez sans acheter → le site vous “suit” via des régies et vous affiche des pubs ailleurs
  • Objectif : vous faire revenir pour finaliser l’achat

Pour les annonceurs, c’est très rentable. Pour les internautes, c’est aussi le moment où la pub commence à paraître très intrusive.

3.3. La publicité programmatique

Au lieu d’acheter des espaces à la main, les annonceurs utilisent des plateformes d’achat automatisé (DSP, SSP) :

  • Chaque impression est vendue quasi en temps réel aux enchères (RTB = real-time bidding)
  • On peut croiser énormément de données : contexte, profil, historique, device…
  • Les campagnes deviennent plus optimisées, mais aussi plus complexes et plus opaques

La logique passe d’“acheter un emplacement sur tel site” à “acheter une impression auprès de tel profil, au meilleur prix, où qu’il se trouve”.


4. Mobile, vidéo et influence : la publicité devient omniprésente

4.1. Le basculement vers le mobile

Avec la généralisation des smartphones :

  • Le trafic web devient majoritairement mobile
  • Les formats s’adaptent : bannières responsive, interstitiels, formats “in-app”
  • La géolocalisation devient un critère clé (pub locale, offres proches, etc.)

Les usages changent : on scrolle, on consomme des vidéos courtes, on est sur plusieurs applis en parallèle.

4.2. La vidéo en ligne (YouTube, réseaux sociaux)

La vidéo publicitaire quitte la télévision pour envahir Internet :

  • Pre-roll (avant la vidéo), mid-roll, post-roll
  • Formats skippables vs non skippables
  • Vidéos natives dans le fil Facebook, Instagram, TikTok, etc.

Les annonceurs adorent : on retrouve les codes du spot TV, avec la puissance du ciblage digital.

4.3. L’essor de l’influence et du contenu sponsorisé

En parallèle, une autre forme de “pub” se développe : l’influence marketing.

  • Partenariats avec des créateurs de contenu, influenceurs, YouTubeurs, TikTokeurs…
  • Contenu sponsorisé intégré naturellement dans la vidéo, le post, la story
  • Logique de recommandation plutôt que de simple bannière

Ce n’est pas de la pub classique au sens technique, mais dans les faits, c’est devenu un volet majeur des budgets marketing.


5. Années 2020 : vie privée, cookies qui disparaissent et IA

5.1. Les lois sur les données personnelles (RGPD, ePrivacy, etc.)

Face à l’explosion du tracking :

  • L’Europe renforce la protection des données personnelles (RGPD)
  • Les sites doivent afficher des bannières cookies, demander le consentement
  • Le suivi de l’utilisateur devient plus encadré, plus difficile sans accord clair

La publicité ne peut (théoriquement) plus tout faire en silence en arrière-plan.

5.2. La fin annoncée des cookies tiers

Les grands navigateurs (Safari, Firefox, puis progressivement Chrome) restreignent ou suppriment les cookies tiers :

  • Plus difficile de suivre un utilisateur d’un site à l’autre
  • Le retargeting “classique” est remis en question
  • Les acteurs testent de nouvelles solutions : ciblage contextuel avancé, “cohortes” anonymisées, ciblage par login, etc.

On se dirige vers un monde où l’on combine :

  • Données 1st party (celles que l’annonceur collecte lui-même sur ses clients)
  • Ciblage contextuel plus intelligent
  • Et moins de “profilage cross-site” sauvage.

5.3. L’IA et l’automatisation des campagnes

Les plateformes (Google, Meta, etc.) poussent de plus en plus les modes “automatiques” :

  • Campagnes “smart” ou “Performance Max” qui mixent plusieurs réseaux et formats
  • Algorithmes qui testent en continu les combinaisons visuels / textes / audiences
  • Optimisation automatique vers un objectif business (ventes, leads, visites en magasin…)

La frontière entre création, ciblage et optimisation se brouille : on “donne” un budget et un objectif, l’algorithme se charge du reste… en échange d’un contrôle plus limité.


6. Ce qui a vraiment changé entre 2000 et aujourd’hui

En résumé, le développement de la publicité sur Internet depuis les années 2000, c’est :

  1. Du mass media au ciblage fin
    • Avant : je montre la même bannière à tout le monde.
    • Maintenant : je parle à des profils précis, avec des messages adaptés.
  2. Du simple affichage à la mesure détaillée
    • Avant : on ne savait pas vraiment qui avait vu quoi.
    • Maintenant : on mesure impressions, clics, conversions, parcours, ROAS, etc.
  3. Du PC fixe au multi-device
    • Avant : l’ordinateur de bureau.
    • Maintenant : smartphone, tablette, TV connectée, montres, objets, etc.
  4. Du site web isolé à l’écosystème de plateformes
    • Google, Meta, TikTok, Amazon Ads, LinkedIn, marketplaces, apps…
    • Les grandes plateformes concentrent une énorme partie de l’inventaire et des données.
  5. De la logique “on pousse un message” à la logique “on suit un individu (ou un signal)”
    • Intentions (mots-clés), intérêts, comportements, signaux d’achat.
  6. Et maintenant : rééquilibrage avec la vie privée
    • Plus de contraintes légales, plus de sensibilisation du public, et un mouvement vers des modèles plus respectueux (au moins dans les discours).